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La poésie épique et la fable constituent l'essentiel de la littérature narrative de l'Europe occidentale au Moyen Âge.
Celle-ci est principalement composée de longs poèmes qui célèbrent les exploits d'un certain nombre de héros considérés comme des figures mythiques. Cette littérature épique et romanesque s'épanouit grâce à l’utilisation progressive des langues nationales. Le latin, langue vivante, conserve néanmoins une position prépondérante dans les œuvres religieuses, mais aussi juridiques, littéraires et philosophiques.

Les héros épiques comme Beowulf en Angleterre et Roland en France sont des personnages historiques dont le courage et les exploits quasi surhumains au service de leur suzerain reflètent un idéal national. De même que celles du monde antique, les épopées médiévales sont mises en scène de façon théâtrale et sont chantées avec un accompagnement de harpe devant une assemblée choisie. L'épopée est considérée comme un genre poétique supérieur.
Bien que présentés comme historiques, les personnages des romans courtois, comme le roi Arthur et les chevaliers de la Table ronde, sont souvent inventés de toutes pièces. Le récit de leurs aventures adopte une forme plus tard qualifiée de «romanesque» : introduction du merveilleux et de la magie, combinaison des scènes mouvementées et des passages sentimentaux, apparition de l'idéal individuel du chevalier. À l'inverse de l'épopée qui s'enracine dans la société réelle, familiale ou nationale, la fable romanesque illustre un style de vie aristocratique imaginaire. Toutefois, toutes deux s'appuient sur les valeurs médiévales, féodales et chrétiennes.
Les poésies épiques scandinaves et germaniques
La vie culturelle préchrétienne de la Scandinavie et de l'Europe du Nord est illustrée par une œuvre d'une grande valeur littéraire, le recueil de poésie islandaise, l'Edda poétique ou Grande Edda (IXe-XIIe siècle). Œuvre anonyme attribuée à tort à Saemund le Sage, ces poèmes, qui recourent souvent à la technique de l'allitération, contiennent la mythologie et les légendes héroïques scandinaves. Ils renferment aussi le noyau primitif du Nibelungenlied — le Chant des Nibelungen (vers 1200) —, épopée allemande consacrée à la mort du guerrier Siegfried et la vengeance de sa veuve Kriemhild.
Les sagas d'Islande et de Norvège sont des récits fictifs semi-historiques dans lesquels on retrouve les thèmes du meurtre et de la vengeance, mais aussi ceux de l'amour et du merveilleux. Njall et Grettir figurent parmi les plus célèbres sagas scandinaves.
Rédigé en vieil anglais — en anglo-saxon et recourant aussi à l'allitération, le Lai de Beowulf (VIIIe-Xe siècle) est la plus ancienne œuvre épique de la littérature germanique. Fils du roi de Gotland, Beowulf délivre les Danois du monstre Grendel. Au terme de son règne, Beowulf meurt après avoir vaincu un autre dragon. Les valeurs chrétiennes défendues dans le Beowulf sont reprises et développées par la littérature en moyen anglais, idiome populaire, après l'installation des Normands.

La poésie épique de France et d'Espagne.

Les deux grands héros de France et d'Espagne médiévales sont des chevaliers qui existèrent réellement, même si leurs hauts faits sont enjolivés. Roland fut tué à la bataille de Roncevaux, dans les Pyrénées, en 778 et le Cid régna sur Valence jusqu'à sa mort, en 1099. La Chanson de Roland est l'une des quelque quatre-vingts épopées qui recensent les exploits des chevaliers de Charlemagne (747-814) et d'autres souverains. Ces poésies épiques, ou chansons de geste, défendent les valeurs chrétiennes et celles de la chevalerie.
Le Cantar de mio Cid retrace dans un style sobre quelques épisodes de la vie aventureuse du Campeador. Comme la Chanson de Roland, le poème puise sa ferveur et son enseignement moral dans les exploits héroïques du rude capitaine castillan.

Le roman courtois

Au Moyen Âge, le terme de «roman » qualifie des fables en vers français, c'est-à-dire en langue «romane», qui adaptent des épisodes historiques ou classiques latins, notamment la vie d'Alexandre le Grand ou la prise de Troie.
L'apparition au XIIe siècle du roman courtois exprime une nouvelle philosophie individuelle, et non plus uniquement chrétienne, de l'amour. Dans celui-ci, l'homme s'ennoblit en servant et en aimant d'un amour pur et chaste la femme qui bénéficie d'un statut romanesque privilégié. Transmis par les troubadours, poètes lyriques du sud de la France, l'esprit courtois se répand dans le nord du pays et en Europe.
Le Roman de la Rose, qui date du XIIIe siècle, est un poème allégorique et courtois composé en deux parties. Ecrits par Guillaume de Lorris (vers 1200/1210-1240), les premiers 4 058 vers décrivent les aventures sentimentales d'un jeune amant en quête de sa belle. Les 18 000 vers suivants composés par Jean de Meung (v. 1240-1305) constituent un traité rationaliste et satirique de l'amour et des passions. Le Roman de la Rose influence profondément la poésie européenne des deux siècles suivants, notamment l'œuvre du poète anglais Geoffrey Chaucer (v. 1340-1400), traducteur de Jean de Meung et auteur, notamment, de Troïle et Cresside, tragédie de l'amour trahi sur fond de guerre de Troie, non dénuée de drôlerie inventive.

Le roman arthurien.

Arthur, probablement quelque chef du Ve siècle, fait sa première apparition en littérature dans les écrits en latin de religieux gallois. La source de la légende arthurienne se trouve plus particulièrement dans l'Histoire des rois de Bretagne de Geoffroy de Monmouth (v. 1100-1155), rédigée en latin et traduite par Robert Wace (v. 1100-1175) sous le titre de Roman de Brut, Brutus étant le Troyen qui aurait fondé l'Angleterre.
Finalement, entre 1155 et 1180, cette légende est reprise et développée par Chrétien de Troyes (v. 1135-1183). Ses cinq grands poèmes en distiques octosyllabiques — parmi lesquels Lancelot ou le Chevalier à la charrette, Yvain ou le Chevalier au lion, Perceval ou le Conte du Graal — représentent le sommet de la littérature arthurienne. La suite des aventures du roi Arthur forme l'argument principal des romans en prose français écrits à la suite de l'œuvre de Chrétien de Troyes.
Le cycle des romans arthuriens inspire bientôt des versions allemandes dont Tristan de Gottfried de Strasbourg (XIIe-XIIIe siècle) et Perceval de Wolfram von Eschenbach (v. 1170-1220) sont les plus renommées. Tristan relate les conséquences tragiques de l'absorption d'un élixir d'amour et Perceval, les aventures des chevaliers d'Arthur partis à la conquête du Saint-Graal, coupe miraculeuse dans laquelle, selon la légende, Jésus but au cours de la Cène et qui servit à recueillir son sang. Celle-ci est censée apporter à son possesseur la victoire et le bonheur.
De nombreux cycles arthuriens de moindre importance sont composés dans toute l'Europe, de la Sicile à la Scandinavie. Sire Gauvain et le chevalier vert, roman de chevalerie de 25 000 vers d'un auteur inconnu, en constitue la principale version britannique. Pour défendre l'honneur de la Table ronde, le héros conclut un pacte effrayant avec un géant vert. En résistant aux tentatives de séduction de la femme du géant, il conserve intact l'honneur de la cour d'Arthur. Le même auteur aurait aussi écrit des épopées bibliques telles que Patience, récit sur Jonas et la baleine, et Pureté, récits sur le Déluge, Sodome et Gomorrhe et sur le festin de Balthazar.
De nombreux romans portant le titre de Mort Arthur sont écrits aux XIIIe et XIVe siècles. Ils relatent la dernière partie du cycle arthurien au cours de laquelle Lancelot reprend sa liaison avec Guenièvre, Arthur combat les Romains en France, Gauvain est tué en vengeant son frère, Mordret trahit et tue Arthur dont l'épée jetée dans un lac est saisie par une main mystérieuse. Les faits relatés dans cet épisode précipitent le déclin de la cour et mettent un terme à la fraternité de la Table ronde.
La compilation la plus complète du cycle de la Table ronde est écrite en prose au XVe siècle par Thomas Malory (1408- 1471). Elle rassemble les principales légendes arthuriennes, hormis le récit des origines du Graal. Son titre, la Mort d'Arthur, fait strictement référence au contenu du dernier des vingt et un livres qui la composent. Cet ouvrage aura une très grande influence sur toute la littérature anglaise.

L'Italie et Dante.

L'esprit de l'amour courtois imprègne également fortement l'Italie médiévale. La figure dominante de la littérature italienne de cette époque est Dante Alighieri (1265-1321) dont la Divine Comédie est l'un des plus grands poèmes de la civilisation occidentale. Il est écrit en terza rima, vers de onze syllabes arrangés en groupes de trois rimes, et constitué de trois parties : l'Enfer, le Purgatoire et le Paradis. La Divine Comédie est une épopée chrétienne qui décrit l'itinéraire fictif du poète à travers l'Enfer et le Purgatoire, accompagné par le poète latin Virgile, avant de gagner le Paradis avec sa bien-aimée Béatrice, qui, en mourant, est devenue la servante de Dieu.
Ce poème constitue une véritable somme du savoir du temps en matière de philosophie, d'astronomie, de sciences naturelles et d'histoire. Il se veut un déchiffrement et une révélation, avec le regard du poète, d'un ordre qui transcende les contradictions de l'histoire de l'homme pour aboutir à son accomplissement dans l'éternité, par le biais de l'amour pur et idéalisé que Dante porte à Béatrice.
L'amour courtois est encore présent durant la Première Renaissance italienne (trecento). Dans ses sonnets, Pétrarque (1304-1374) idéalise Laure de Noves, rencontrée dans l'église Sainte-Claire en Avignon, objet inaccessible de son amour. La substance spirituelle et la forme du sonnet «pétrarquéen» influencent les poètes français et européens des deux siècles suivants. Parmi les auteurs de longs poèmes lyriques figure aussi Boccace (1313-1375), ami de Pétrarque et auteur du Décaméron, recueil de nouvelles qui encensent l'amour.