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LITTERATURE ANTIQUE

La littérature de la Grèce et de la Rome antiques a jeté les bases de la littérature occidentale, qui n'a fait, depuis cette période, qu'imiter, adapter, rejeter et réhabiliter l'incontournable héritage classique. Au cours des mille cinq cents années qui séparent Homère de l'aube du Moyen Âge sont apparues les principales formes de prose et de poésie ainsi que le concept même de littérature en tant qu'activité distincte.

La Renaissance a figé cet héritage classique en un modèle immuable dont les valeurs étaient l'ordre, l'unité et la stabilité. L'examen détaillé des littératures grecque et romaine révèle pourtant un tableau moins homogène et plus complexe.

Les débuts de la littérature grecque.

Les plus anciens documents grecs connus sont des tablettes d'argile, d'origine mycénienne, écrites en «linéaire B» et datant du IIe millénaire avant notre ère. La littérature proprement dite débute avec deux épopées : l'Iliade et l'Odyssée d'Homère Xe ou IXe siècle av. notre ère). Elles ne constituent certainement pas œuvre d'un auteur unique. Une longue tradition de poésie orale les a, en effet, précédées. L'Iliade relate un épisode de la guerre menée par les Grecs contre la ville de Troie afin de récupérer Hélène, épouse de Ménélas, enlevée par Pâris, fils du roi de Troie, Priam. Cette œuvre illustre particulièrement les conséquences tragiques de la colère d'Achille, le grand guerrier grec. L'Odyssée relate le voyage aventureux d'Odusseus, l'Ulysse des Romains, lors de son retour de Troie et les difficultés qu'il rencontre pour retrouver sa patrie, sa femme et son trône. Les épopées de l'Occident médiéval puiseront largement leur forme et leurs thèmes dans ces deux récits originels.
Plus jeune qu'Homère, Hésiode (VIIIe-VIIe siècle av. notre ère) est l'auteur de la première poésie didactique, les Travaux et les Jours, qui raconte l'histoire de la vie d'un fermier, ainsi que d'un récit de la Création, la Théogonie. Les premières traces du lyrisme personnel apparaissent dans les œuvres de poètes-soldats exubérants comme Archiloque (v. 712-664 av. notre ère) et Alcée (vue siècle av. notre ère) ainsi que dans les odes passionnées de Sappho (VII-VIe siècle av. notre ère), première poétesse occidentale.

L'âge d'or d'Athènes.

Les écrits philosophiques et historiques du VIe siècle av. notre ère marquent le début de la prose littéraire grecque. Contemporains, Pindare (518-438 av. notre ère) et Bacchylide (v. 500-450 av. notre ère) perpétuent la veine lyrique avec leurs odes aux athlètes victorieux. Au Ve siècle se produit une explosion d'innovations littéraires sans précédent, notamment à Athènes.
La tragédie prend probablement sa source dans certains rituels primitifs. Toutefois, c'est avec les pièces d'Eschyle (v. 525-456 av. notre ère), en particulier dans sa trilogie de l'Orestie (458 av. notre ère), que le genre aborde les thèmes grandioses de la souffrance et de la responsabilité de l'humanité face au destin. Ces thèmes sont aussi présents dans les pièces de Sophocle (496/494-406 av. notre ère), notamment dans Œdipe Roi (v. 425 av. notre ère) et Antigone (v. 442 av. notre ère), dont les héros adoptent des comportements qui leur confèrent une grande humanité aux yeux du public. Avec Euripide (480-406 av. notre ère), le genre prend une tournure intellectuelle, explorant le pouvoir ambigu du langage sans pour autant délaisser la passion, comme en témoigne le personnage de Médée (431 av. notre ère).
Aristophane (v. 445-386 av. notre ère) se rend populaire avec ses comédies, fantaisies grossières et tapageuses mais au contenu politique. Dans la Paix (421 av. notre ère), les hommes vont au paradis en chevauchant un bousier. Dans Lysistrate (411 av. notre ère), les femmes prennent le pouvoir.
Les Histoires d'Hérodote (v. 484-420 av. notre ère), qui fut surnommé le «père de l'Histoire» par Cicéron, retracent les guerres médiques en faisant preuve d'un intérêt bienveillant pour les civilisations du Moyen-Orient et d'Égypte. Son jeune contemporain Thucydide (v. 460-400 av. notre ère) traite de la guerre du Péloponnèse avec une exactitude scrupuleuse.

L'époque hellénistique.

Au Ir siècle s'épanouit la prose : Platon (v. 427-348/347 av. notre ère) et Aristote (384-322 av. notre ère) en philosophie, Isocrate (436-338 av. notre ère) et Démosthène (384-322 av. notre ère) dans l'art oratoire. C'est d'Aristote et de sa Poétique que sont issus bien des concepts fondamentaux de la littérature.
La vigueur persistante des activités littéraires à Athènes se manifeste dans les comédies populaires d'auteurs, tel Ménandre (v. 342-292 av. notre ère), qui sont néanmoins dépourvues du tranchant satirique d'Aristophane. Mais le centre de gravité intellectuel se déplace peu à peu, à cette époque, vers les royaumes des successeurs d'Alexandre le Grand et surtout vers la cour des Ptolémées installée dans la nouvelle ville d'Alexandrie.
Le personnage le plus éminent de cette période alexandrine est le poète Callimaque (v. 305-240 av. notre ère), maître de la poésie précieuse. Les Idylles de Théocrite (v. 310-250 av. notre ère) regroupent des poèmes tour à tour familiers et lyriques, dramatiques et narratifs, qui encensent l'amour et les charmes de la campagne.

La Grèce sous les Romains.

Au cours du IIe siècle avant notre ère, la Grèce subit de plus en plus l'emprise de Rome. Cependant, les œuvres d'auteurs tels que Plutarque (v. 50-125), notamment ses Vies parallèles des Grecs et des Romains éminents, reflètent une confiance assurée dans l'avenir de la culture grecque. La littérature grecque assimile tout aussi facilement le christianisme, comme, plus tard, l'épanouissement de Constantinople fera naître nombre d'œuvres considérables.

Les débuts de la littérature romaine.

Dès ses débuts, la littérature latine est influencée par la littérature grecque. Le premier témoignage est les Annales d'Ennius (239-169 av. notre ère), une épopée historique, dont il ne reste que quelques fragments et qui constitue la première œuvre réellement indépendante. Plaute (v. 254-184 av. notre ère) et Térence (v. 190-159 av. notre ère), un affranchi d'origine africaine, savent adapter le répertoire des comédies grecques au goût des Romains.

L'âge d'or de Rome.

C'est vers le milieu du premier siècle avant notre ère que le latin commence réellement à remplacer le grec comme instrument de créativité littéraire. Lucrèce (v. 98-55 av. notre ère), avec son poème didactique De natura rerum, et Catulle (v. 87-54 av. notre ère), avec ses courts poèmes lyriques, se démarquent de l'inspiration grecque.
Mais la grande période de la littérature romaine débute sous l'empereur Auguste. Virgile (70-19 av. notre ère) écrit les Bucoliques et les Géorgiques, ainsi que sa grande épopée nationale, l'Énéide. Le poète lyrique Horace (65- 8 av. notre ère) rivalise avec Sappho et Alcée dans ses Odes et crée un modèle de poésie familière avec ses Satires et ses Epîtres. À la même époque, deux poètes élégiaques, Tibulle (v. 59-19/18 av. notre ère) et Properce (v. 47-16 av. notre ère), célèbrent leur vie amoureuse dans des poèmes tout à la fois érudits et passionnés.

Gloire et décadence.

Le prolifique Ovide (43 av. notre ère-17/18 de notre ère) est le premier grand poète impérial. Sa poésie élégante et astucieuse, comme l'Art d'aimer, ou ses ambitieuses Métamorphoses, qui racontent les légendes et les mythes grecs et romains, perpétuent la tradition latine d'une manière originale.
À mesure que l'Empire se fortifie, la réflexion historique prend de plus en plus d'importance. L'historien républicain Salluste (86-35 av. notre ère) avait déjà expliqué le présent de Rome par son passé.
Mais c'est à Tacite (v. 55-120) que revient le mérite de porter le genre historique à sa perfection. Son style concis se caractérise par un latin moins classique, plein de sous-entendus — par contraste avec le latin de l'âge d'or — qui avait été développé, une génération plus tôt, par des écrivains tels que le philosophe et dramaturge Sénèque (v. 2-65), dont la rhétorique profonde influencera énormément les auteurs modernes.
Cette tension créatrice entre la tradition et l'innovation constitue la principale dynamique de la littérature de l'Empire. Elle se révèle dans un roman comique, licencieux et réaliste, le Satiricon de Pétrone (mort en 66), dans l'Âne d'or, un roman d'Apulée (v. 125-180), dans les miniatures caustiques et souvent obscènes de l'auteur d'épigrammes Martial (v. 40-104) ainsi que dans les Satires en vers de Juvénal (v. 60-130). L'imitation directe d'auteurs comme Virgile est fréquente chez les littérateurs. Mais les plus grands écrivains sont capables d'insuffler un nouvel esprit, dont on peut observer un exemple dans l'épopée de la guerre civile de Lucain (39-65), où les dieux traditionnels sont remplacés par la Fortune aveugle et le Destin impitoyable.
La vie de la littérature latine se prolonge bien plus longtemps que celle de la littérature grecque. À la fin de l'Antiquité paraissent les ouvrages de Claudien (v. 370-404) et de Boèce (v. 480-524), deux poètes comparables à Virgile et Ovide.

Moyen-âge et renaissance.

La littérature latine du Moyen Âge et de la Renaissance est particulièrement abondante. Lorsque le grec est redécouvert, l'enthousiasme soulevé par les nouvelles merveilles, auxquelles ce regain d'intérêt donne soudain accès, entraîne la sous-estimation du latin, sous le prétexte que celui-ci n'exprimerait pas une culture originale.
C'est une critique qui peut alors être adressée à l'ensemble de la culture occidentale. La contribution essentielle du latin au développement de la littérature a, précisément, été de présenter un miroir culturel et de proposer des stratégies afin de mener à bien la transition littéraire ; stratégies auxquelles il est encore fait appel aujourd'hui pour évaluer le rapport à l'héritage classique.